Dès 1948, La Croix Valmer pionnière de l’Union Européenne à Cap Mimosa

M. Bohn, important financier britannique, époux de Mme d’Oriac, propriétaire de plusieurs hectares en bord de mer à Gigaro, y déclara le 7 juin 1948, au Tribunal de Commerce de Saint-Tropez, la création de « Cap Mimosa », un camping-restaurant.

L’armistice du 8 mai 1945, ayant mis fin au cataclysme de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe essaie alors de se reconstruire en rêvant de nations enfin unies où les hommes vivraient en paix. Or, pendant que les pères de l’Europe planchaient sur cet hypothétique avenir, (Traités : CECA...) dans le cadre idyllique du premier camping de La Croix Valmer, la réalité dépasse la fiction puisque trois ans plus tard, une micro Union Européenne, joyeuse, pleine d’empathie et d’humanité avait déjà vu le jour à Gigaro !

Site privilégié et qualité de vie remarquable

Pour la gestion de « Cap Mimosa », dès 1949, M. Bohn fait appel à M. Bernard Carter, ancien officier britannique de l’armée des Indes (Royal Berkshire Regiment India) qui, avec enthousiasme et une rigueur toute militaire, s’attèle immédiatement à la tâche. Une petite maison est construite pour loger la famille Carter, servant de bureau d’accueil et parfois de restaurant (elle est aujourd’hui réservée aux agents du PNPC). Les Croisiens du village sont aussi de l’aventure, notamment des commerçants et divers employés d’entretien. À cette époque, Cap Mimosa est une vaste plage de sable face aux Îles d’Or, une mer incomparable, des calanques poissonneuses, une incroyable végétation méditerranéenne de pins maritimes, de cannes de Provence, de mimosas, de chênes et de bruyères.

Au sein de ce site merveilleux, de 1948 à 1962, se rencontrent et se lient d’amitié des campeurs Français, Italiens, Suisses, Luxembourgeois, Allemands, Belges, Néerlandais, Britanniques, Irlandais, Suédois, Espagnols ou encore Américains. M. Carter y accueille avec humour et imagination toutes les nationalités de toute origine sociale mais il en exige impérativement le respect mutuel et la stricte application de son règlement !

Les règle selon M. Carter

Alors qu’après-guerre, camper est encore un luxe et que les aménagements du site laissent à désirer, dès leur arrivée, les premiers campeurs séduits et ravis, plantent leurs tentes rustiques sur le sable au ras de la plage, sous les pins où voisinent de concert automobiles, motos, bicyclettes et quelques caravanes. Très rapidement, pour des vacances de qualité, M. Carter fait publier son règlement haut en couleur que tous appliquent rigoureusement et avec amusement comme le « lever du drapeau français » tous les matins, l’interdiction de tout bruit dès 21h (radios, cris, animaux...) et la surveillance du camp. Il trace des allées qu’il baptise Champs-Élysées, Buckingham Palace, Mont Blanc, avenue de Bordeaux, de Genève, Autobahn... clin d’œil aux différentes origines des touristes qui les empruntaient. Enfin, il aménage des emplacements personnalisés dans les bosquets de mimosas.

Festivités et rencontres internationales

Avec l’aide et la complicité de ses campeurs, M. Carter, maître des lieux, organise des animations très prisées par tous les vacanciers. Fêtes nationales des pays présents : Grande- Bretagne (27 avril), Luxembourg (23 juin), États-Unis (4 juillet), France (14 juillet), Belgique (21 juillet), Suisse (1er août), l’Allemagne (3 octobre), etc. Matchs de volley, concours de pétanque, de natation, courses en sac rythment également la vie du camping dans une ambiance joyeuse, chaleureuse, amicale et cosmopolite car chacun a à cœur de faire connaître et partager amicalement ses spécialités, ses coutumes, sa culture.

Camping de prestige : célébrités et convivialité

L’excellente réputation de Cap Mimosa à La Croix se répand rapidement par-delà les frontières et les « fidèles » de tous horizons se retrouvent chaque été avec joie. Bien des années plus tard, maintenant implantés dans la commune, certains évoquent encore les « VIP » de l’époque comme Émile Allais, champion du monde et légende du ski français, ou les très discrets embaumeurs de la famille royale britannique (JH Kenyon Ltd), qui alimentait la curiosité. Sans oublier les chirurgiens et photographes renommés et les deux riches familles anglaises, adeptes du camping haut de gamme qui voyagent en avion mais dont les chauffeurs en Bentley avaient déjà installé les luxueuses caravanes et leur personnel. Les récits des escapades nocturnes relatent qu’échappant au fameux couvre-feu du règlement, les jeunes se retrouvaient au « Refuge » d’Arlette Piombo, où avec quelques Croisiens, ils partageaient de conviviales soirées avant de rentrer sur la pointe des pieds...

Clap de fin à Cap Mimosa

En 1961, l’incroyable camping est menacé : des promoteurs immobiliers concoctent d’ambitieux projets. Le 4 juin 1961, M. Carter décède mais Carola, sa seconde épouse, restera gérante jusqu’en 1962. Le 7 juillet 1963, Mme de Kinsky, fille héritière de M. Bohn, vend tous ses terrains à la SCI du Cap Mimosa qui est dissoute en 1969 et reprise par d’autres groupes aux objectifs pharaoniques destructeurs de l’environnement (multiples constructions et création d’un port de plaisance à Jovat).
Vent debout, les associations pour la protection de l’environnement et les Croisiens se mobilisent contre ces projets et entament une bataille juridique de plus de 15 années. Ils obtiennent gain de cause en 1978 lorsque le Conservatoire du Littoral pourra acquérir et, avec le Parc national de Port-Cros, protéger ces terrains devenus inconstructibles.

Notre « premier camping européen » a disparu mais nombreux sont les touristes d’hier qui se sont maintenant installés dans notre village au regard de la qualité des liens créés.

Aujourd’hui, connue bien au-delà de l’Europe pour son patchwork culturel et ses nombreuses qualités, La Croix Valmer, fidèle à son histoire, poursuit sa chaleureuse politique d’accueil pour un authentique « vivre ensemble ». À ceux de tous horizons qui partagent les mêmes valeurs, elle continue d’offrir un florilège de prodigieux paysages et une empathie sans faille.

Brigitte Rinaudo-Pineau,
Conseillère municipale,
Déléguée à l’Histoire et au Patrimoine
Sources : Archives, Cadastre, Famille Carter, Tramont, Müller, Jaubert, Brodin...